Première maraude avec le MKN-VAN dans la commune de Pont-Audemer, dans l'Eure. Le long de la Risle, sur la gauche, une petite allée entre de deux parkings, amène à un terrain sur lequel sont installées de nombreuses caravanes.
Un homme s'avance : Anthony, qui habite une de ces caravanes. Il nous apprend alors que cet endroit est une ancienne déchetterie où « les gens venaient y déposer leurs gravats. »
Une dizaine de caravanes, quelques camions et un chalet y ont pris place. Tous appartiennent à une même famille, à l'exception des caravanes d'Anthony et de son frère. « Je suis ici été comme hiver ! Je suis devenu sédentaire maintenant. », il ajoute cependant « mais ma caravane est à vendre. Je ne sais pas si je vais rester là... ». La ville de Pont-Audemer compte un peu plus de 9000 habitants. Elle devrait donc posséder une aire d'accueil pour les Voyageurs, conformément à la loi Besson qui l'impose à chaque commune de plus de 5000 habitants. Cela fait plusieurs années que la municipalité a lancé un appel d'offres auprès de différents promoteurs, et, si les projets proposés ont été jugés pour le moment trop coûteux, une aire devrait pourtant voir le jour courant 2016. En attendant, la municipalité leur loue ce terrain, depuis maintenant 10 ans. « Avant, on était installés à côté de la gendarmerie ! » raconte Anthony.
L'eau et l'électricité ont été installées par la mairie, mais ils n'ont prévu ni sanitaires, ni bennes à ordures, ni ramassage des poubelles. Alors, chacun se débrouille : ils vont régulièrement à la déchetterie et un habitant s'est aménagé des toilettes dans une petite cabane à côté de son mobil-home. Problématique : le terrain est en zone inondable. Si Anthony nous raconte cela, c'est parce que le bâtiment accolé au fond du terrain, lui aussi placé au bord de la Risle, est un établissement d'accueil spécialisé pour personnes handicapées. Il ironise alors : « Si ça déborde, nous on a nos jambes pour courir... Eux c'est plus compliqué... S'il y a des inondations, c'est le maire qui devra payer le caveau ! ».
À l'entrée du terrain, des boites aux lettres. Sur celle d'Anthony on lit « Renard ». Les membres de la famille d'Anthony sont des Gitans originaires d'Allemagne. C'est pendant la seconde guerre mondiale que leur nom « Reinhardt » a été francisé en « Renard ». Anthony nous raconte fièrement qu'il appartient à la même famille que Django. « Mais ce n'est pas pour ça que je sais jouer... ! ». Il poursuit son explication : Django Reinhardt a pris le nom de sa mère. Son père était un Weiss, tout comme la mère d'Anthony. « Je suis donc de sa famille des deux côtés ! ».
Enfant, Anthony a fait les foires avec ses parents, puis les marchés quand il s'est marié. Il a beaucoup parcouru la France et connaît particulièrement le Sud. Il a pratiqué de nombreux métiers : ferraille, élagage... Il est très attaché à ses origines et tient à ce qu'elles soient claires pour nous : « Tous les voyageurs ne sont pas des Gitans ! Les gens confondent souvent... ». Il poursuit en expliquant par exemple que le dialecte est différent. « Les voyageurs parlent comme les vieux parisiens. Par exemple, pour dire une montre, ils disent une tapante... ! ». Il conclura ainsi : « j'en sais des choses sur les Gitans ! Si je savais écrire j'en ferais un livre... ». Nous lui demandons donc une petite leçon de manouche pour le vocabulaire de la mobilité :
« La caravane se dit wago, qui était le mot pour désigner les roulottes tractées par des chevaux. Un camion, une voiture, se disent machina. Aujourd'hui les jeunes emploient aussi le mot wagi pour parler des voitures ! ».
Cette rencontre avec Anthony Renard se terminera avec une recette de cuisine typiquement manouche : pour faire cuire de la viande il faut la saisir sur le feu, mais pas avec n'importe quel bois. Pour que cela parfume bien la viande, il faut du pommier, du cerisier ou du platane bien sec "et ça peu de monde est au courant !"
Anthony conclut donc : "Ce sera meilleur que dans tous restaurants, mêmes les plus étoilés !"