Il y a peu, sur cette même place, on célébrait l'Europe, les stands d'une foire officielle se posaient là comme les cierges accompagnant une prière à l'adhésion. On s'y montrait les spécialités gastronomiques autant que les armes létales ou non qui garantiraient l'invulnérabilité des frontières face aux migrants que l'Europe convoitée craint tant.
Puis, après la fête, vinrent les élections et la compétition stellaire entre les étoiles rouges, jaunes ou bleues, de l'Est, de l'Europe ou de l'Otan. Aujourd'hui, au pouvoir, un gouvernement qui compose entre des membres regardant vers l'Ouest et d'autres vers l'Est. Au banquet international, le pays, comme l'Ukraine voisine, reste la nappe tiraillée et distendue entre ces deux points cardinaux. Un espace agit, dont les installations foraines sur cette place donnent le pouls.
Aujourd'hui, sur la place, pas d'écran géant. Pas de concert. Pas de ballon non plus. Mais une centaine de tentes alignées en rangées sur la longueur de la place. Sur chacunes d'elles une feuille est scotchée sur laquelle figure le nom d'une ville du pays. Dans les plus grandes tentes, on mange, on somnole, on joue. Une tente d'un surplus de l'armée rouge jouxte un stand faisant office de bibliothèque libre. Sur le podium un débat s'éternise. Plus loin, une caravane, à laquelle s'appuie un barnum dans lequel on attend les dons. Une tante blanche sert d'infirmerie, un long barnum abrite buvette et restauration. Sur le périmètre, les uniformes noirs des policiers contrastent sous leurs carapaces de plastique gris.
Pourquoi ? Oh une bagatelle ! Un milliard de lei ont disparu des caisses de l'état. Alors cette Smala proteste en camping politique face au bâtiment où, semblerait-il, le pouvoir aurait lieu. Dans quelques jours les communistes devraient en faire autant face au parlement.
Autour, la vie suit son cours.