Nous poursuivons. L'idée est de trouver le terrain que nous voyons depuis le train. Nous sommes dans une des boucles de la Seine, et avons un peu de mal à nous orienter... Enfin le voici. Monsieur Sabo est devant son camion, il prépare le départ de la famille. Il nous invite à entrer sur son terrain, nous fait visiter son camion, puis sa maison.
Il a acheté ce terrain en 1989. À l'époque, les places désignées étaient déjà en sous nombre et il fallait compter entre 150 euros par mois et par famille pour y accéder. Compte tenu du fait qu'il a 4 enfants, ça multiplie d'autant le prix. Acheter un terrain lui paraissait donc plus intéressant.
Un de ses fils, s'est installé sur un terrain plus haut dans sa commune, mais lui, n'a pas encore eu le droit de construire « Il n'a pas le droit, malgré la présence de chalets autorisés juste à proximité... C'est compliqué le regard des gens sur les Voyageurs, car quel que soit la situation, si vous ne faites rien, vous enfreignez la loi, si vous faites quelque chose vous l'enfreignez aussi... alors il vaut mieux faire quelque chose ! ».
La maison familiale, en revanche, installée sur la quatrième terrasse, au sommet de ce terrain bien escarpé, a été validée par un permis de construire. Son premier moellon a été posé il y a 3 ou 4 ans. Depuis, les travaux avancent pas à pas : « Une fois que vous habitez dedans, ce n'est pas simple de continuer les travaux ! » L'étage devrait un jour accueillir des chambres pour l'hiver. L'été, c'est toujours dans la caravane qu'ils dorment. Au rez-de-chaussée, nous entrons dans une grande pièce de vie, avec peu de meubles et une grande table, qui accueille l'hiver ses dix petits enfants qui y font leurs devoirs de classe, et le soir, de nombreuses fêtes. « Dans la famille, nous avons beaucoup de musiciens ; Angelo Debarre est un cousin. Bireli Lagrène et Tocki Gresset sont aussi de la famille. On a aussi un chanteur d'opéra. Alors ici, on se retrouve et on joue, on chante... Un jour le maire est venu ici. Ce jour-là mes fils jouaient de la guitare. Ça lui a tellement plus, qu'il a décidé, avec un petit budget culture, d'organiser une soirée tsigane à la mairie. C'était il y a deux ou trois ans, on a fait venir pleins de chanteurs et de musiciens... »
Monsieur Sabo fait les marchés. « Sauf en ce moment, parce qu'avec le ramadan et les soldes, je ne vends pas assez pour me payer l'essence, ça ne vaut pas le coup ». Il nous fait visiter son camion, il vend surtout des ceintures en cuir. Mais dans la famille, le commerce a beaucoup évolué. « Mon père faisait les foires foraines, il a été dompteur, puis il a décidé de faire les marchés, puis il a fait de l'étain... Et mes enfants sont dans le bâtiment... Vous savez, je suis voyageur et ce sont les voyageurs qui ont fait connaître tissus, harnais de chevaux, outils de l'agriculture et cinéma... De la Russie, à l'Europe en passant par les Indes, sur les foires, nous montrions à un endroit, ce que nous avions récolté dans un autre... Et a propos de cinéma... Et bien, mon grand-père, après avoir été boxeur, il diffusait des films, je me souviens surtout de Jacky Jockey et Charlot Mitron, et c'est ma grand-mère qui faisait le papillon avec un grand drap sur lequel on regardait les films. »
Devant la maison, la caravane est attelée à une voiture dont les portes sont ouvertes. La famille s'apprête à partir. « Nous partons, car le prêtre du coin s'en va et on ne peut pas rester sans notre évangile, sans notre religion. Ici, on va 3 fois par semaine à l'église. Alors quand celle-ci ferme pour l'été, nous la suivons. Mais parfois on prend la caravane d'une autre mission, parce qu'il faut quand même que l'on puisse travailler. Alors, on regarde qui va où et le plus intéressant pour nous au niveau des marchés; c'est comme ça qu'on organise notre déplacement. »