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REPOUSSER LES OISEAUX DE FER - NOTRE-DAME DES LANDES / JUILLET 2016

Par alexandre Desliens, mardi 26 juillet 2016

Thème : Western

Il y a à la Zad des gens de passage, des gens qui y vivent depuis l'opération César ou même pour très peu d'entre eux depuis les années 90. Il est difficile de connaître l'histoire de celle-ci et de son développement, ce qui est sûr c'est qu'historiquement il y a sur le terrain, trois exploitants agricoles qui se sont opposés dès les années 60 au projet d'aéroport, le projet est alors tombé dans l'oubli dans les années 70. Dans les années 90, à l'aube d'une résurgence du projet seraient venus se greffer quelques squats autour de ces fermes. C'est à partir de 2009 et 2010 que vont s'installer plus massivement les Zadistes.

En effet, en 2009 s'y est déroulé le premier camp action climat. En 2010 pendant le G8 a été recensé sur la planète beaucoup de manifestations qui furent violentes et extrêmement répréhensives, notamment à Strasbourg. C'est alors que fut prise la décision d'occuper une zone pour dire "non" aux décisions gouvernementales en plus des manifestations. Il y eu ensuite l'opération César en 2012 (délogement des zadistes) qui fut un échec du gouvernement et qui a un peu plus médiatisé le combat présent sur la ZAD. Enfin la mort de Rémi Fraisse en 2014 (opposant au barrage de Sivens) a ramené encore plus de militants sur la ZAD.

Mais l'avenir de la Zad est en suspend, comme l'a été toute son histoire. Le gouvernement veut que la « décision démocratique soit respectée », envoi de CRS ? Non car il y a une volonté de régler tout cela dans la paix selon Ségolène Royal. Manuel Valls veut débuter les travaux en octobre, « les zadistes doivent s'en aller » a-t-il dit. Sans violence ? Ou bien durant les vacances d’août où les médias n'ont que peu de retentissance ? Le gouvernement osera-t-il s'occuper du problème ? Ou le laissera-t-il au prochain gouvernement ? Personne n'a de réponse, la crainte est présente, certains y pensent, « il faut construire la cabane avant qu'il ne soit trop tard », d'autres non.

Ce qui est certains c'est que les Zadistes ont un fort pouvoir de mobilisation durant ces assauts. Que ce soit par l'appui du plus grand nombre, de collectifs : comité Landais, de Bordeaux, de Lot Et Garonne, Haute Loire, Caen.., par leur rapidité de réactions, par les actions menées (occupation massive par la construction de nouvelles cabanes, mise en place de barrages et de systèmes de communication..).

Cinq jours passés à la ZAD de Notre-Dame des Landes, où les collectifs ZAD Rouenno-Lillois organisent un week-end de chantier. A l'ouest de la Zad, non loin de Puis p(l)us, se construit une nouvelle cabane, sans nom pour le moment. L'objectif ici est d'augmenter la capacité d’accueil dans ce lieu Rouenno-(Renno)-Lillois. Ils ont comme projet de récupérer l'eau de pluie avec la toiture (ils n'ont pour l'instant pas d'accès à l'eau sur le terrain) et d'installer panneaux solaires, batteries et transformateur. Il y a pour le moment comme unique source d'électricité, une cabane de chantier avec un panneau solaire relié à huit batteries et un transformateur pour charger les outils.

Lors d'un précédent week-end de chantier, des pieux en bois précédemment ignifugés ont été enfoncés d'un mètre dans le sol, délimitant l'emprise de cette nouvelle cabane de 6x8m. La logistique mise en place au cours des derniers mois part les différents collectifs a permis de réunir de l'argent pour acheter visserie et outils, et de récupérer bois, fenêtres et portes. Le solivage est fait à partir de bois de la forêt découpé dans une scierie mobile non loin de la ZAD, tandis que les trois grandes fermes ont été réalisées avec du bois de récup. Quant aux murs, le bardage sera constitué à partir des planches de palettes désossées et de la paille compressée est prévue pour réaliser l'isolation de la cabane. Pour le toit, pendant notre venue, un plan était envisageable pour récupérer des tôles sur un hangar à condition de désosser entièrement celui-ci. Sur le week-end une trentaine de personnes passeront pour donner un coup de main, que ce soit pour dresser les fermes, déclouer des planches, désosser des palettes, faire à manger..

Le bocage fait environ deux mille hectares pour une population qui varie sans cesse (manifestation ou non, été/hiver). Du fait de sa taille et bien que l'on ai marché sans cesse nous n'avons jamais pu voir la ZAD dans son ensemble, bien qu'au beau milieu de ces forêts entremêlées de champs nous avons vu une partie de son étendue. C'est un de ses rares endroits où après avoir marché sur un sentier improvisé, dans un champs où pelle mêle se trouvent bleuets, ronces et herbes, se découvre sous vos yeux un étang ovale au centre duquel trône une cabane. Dans certains endroits les cabanes sont plus resserrées entre elles tandis qu'à d'autres elles sont séparées de plus d'un kilomètre. Elles peuvent être habitées par des gens rassemblés par convictions, villes, amitiés..

Habiter la ZAD ? L'occuper ? Les avis divergent comme ils divergent sur beaucoup d'autres sujets, heureusement qu'il y a constamment un rapport humain, au détour d'un feu, d'une cueillette, d'une réunion, pour en discuter. « C'est une façon de voir autrement la construction d'une société, autrement qu'à coup de bulletin dans une urne, autrement qu'à coup de mensonges. ». Le conflit fait donc partie intégrante des lieux de vie communs : le no marché (marché à prix libre), les AG, Bellevue (corps de ferme qui sert de lieu d’accueil au gens de passage sur la Zad). Il existe une pluralité d’opinion, une seule relie tout le monde : « le dissensus, la dispute, voire le conflit, sont un ingrédient essentiel de la vie collective. ». C'est, et les Zadistes en ont conscience, une expérimentation à échelle humaine d'une autre forme de société.

Bien plus que ce qu'en disent les chaînes d'information, bien plus qu'un simple feu de camp paumé en forêt de trois hippies, c'est un lieu qui peut se vanter de réunir 15 000 personnes lors d'un festival début juillet. Il y aura par ailleurs un autre festival organisé le week-end du 08-09 octobre, date du début des travaux souhaités par Manuel Valls. Au delà du cliché entonné par les médias et ici le Figaro : « des Zadistes, sortis des bois pour l'occasion, et bien reconnaissables à leurs tatouages, piercings, sarouels, dreadlocks et pieds nus. », c'est un symbole Européen d'une lutte qui a dépassé celle de la construction ou non d'un aéroport. Beaucoup de gens présents ici ont été à Sivens, vont à Bure, voir les No Tav en Italie, les manifestants à la ferme des mille vaches. Le lieu est désormais un amoncellement d'envies, de combats et de revendications bien plus qu'une simple opposition béton/herbe.

Il n'y a pas de déterminisme pré-établi quant à l'occupation de ce territoire. L'auto-déterminisme qui se met en place ne tient pas compte du cadastre, du foncier, mais se régule autour des habitants et de leurs projets. Cette « zone autonome temporaire », pour reprendre les mots d'Annick Stevens dans son article « L'ancrage dans un territoire, exigence réactionnaire ou condition d'autonomie ?», exprime bien cette idée que le lieu en lui-même a finalement peu d'importance. C'est en revanche l'ancrage de cette lutte dans un territoire donné qui permet la mise en place et le développement d'un projet d'autonomie. Elle devient le reflet et l'exemple de volontés politiques et sociales à plus grande échelle. Le territoire de la ZAD se définit peu par sa géographie et son histoire, mais bien plus par les initiatives qui s'y installent et qui le façonnent.

Après le référendum où le oui l'a emporté, les cabanes continuent de se construire ; la construction d'un dôme à usage collectif a été lancée le lendemain de l'annonce des résultats au référendum, symbole de la poursuite de l'occupation. Un référendum conçu pour se voir offrir un « oui »? A trop grande ou trop petite échelle ? Ce qui est sûr c'est que tous les villages avoisinants Notre Dame des Landes ont voté massivement non, alors même que ce serait les premiers bénéficiaires des « retombées économiques » de l'aéroport.

La Zad est un endroit vierge de toute administration gouvernementale. Un ovni Européen ou plutôt un symbole, qui attire des quatre coins du globe. Il n'y a la bas pas de vote, pas de démocratie ; elle paraît bien trop directive : « Un gouvernement avec ses lois édictées une fois pour toutes nous dépossède de la gestion de nos questions conflictuelles ». Les gens parlent entre eux, s’engueulent ou bien même mettent en place des actions directement pour montrer leur mécontentement sur un sujet. Dans ce laboratoire de démocratie malgré l'absence de gouvernance, d'un système figé avec élus, reine et roi, une harmonie existe. Ainsi les lieux collectifs sont rangés et propres, les free shop ne sont pas dévalisés, les denrées abondantes. Chacun peut participer à la fabrication du pain, à la récolte des légumes, à la création du dôme..

C'est la première chose qui détonne quant vous en ressortez, vous voici revenu dans un monde « normal », de « droit », où le 49-3 sévit, où la misère jonche les trottoirs, où la parole est loin d'être libre et où il est rare que les mieux placés aient le devoir de nous écouter. Est-ce vrai ? Est-ce un idéal : l'expérimentation d'une nouvelle sorte de propriété ? La fin d'un État décideur ? L'émergence d'une « nouvelle forme » de travail ? La décroissance ? Ou comme beaucoup de tags l'expriment là bas « ZAD PARTOUT » ?

NOTRE DAME DES OISEAUX DE FER

« On veut du silence et du temps,
On veut sortir à la lumière,
On veut cultiver nos enfants,
Et on veut cultiver nos terres.

Notre Dame des landes de terre,
Notre Dame des chemins de long,
Notre Dame des oiseaux de terre,
Notre Dame des livres et des sons.

On ne veut pas de tant de temps,
On ne veut pas de tant de fer,
Pour les avions il n'est plus temps,
On ne veut pas de votre enfer.

Notre Dame des fils de fer,
Notre Dame des routes et des ponts,
Notre dame des oiseaux de fer,
Notre dame des bêtes à béton.

Du ciel est descendu le vent,
Du ciel est descendu le vert,
On ne veut pas que du ciel descendent,
Des cendres de mort et de fer.
Pas de piste aux oiseaux de fer,
Pas de fer en place des oiseaux,
Que c’est triste un monde sans chair,
Que c’est cher un monde de sots.

On ne veut pas de tant de temps,
On ne veut pas de tant de fer,
Pour les avions il n'est plus temps,
On ne veut pas de votre enfer.

Notre Dame des fils de fer,
Notre Dame des routes et des ponts,
Notre dame des oiseaux de fer,
Notre dame des bêtes à béton.

On a mis tant de temps de temps,
On a mis tant de temps à faire,
Et maintenant tenant tenant,
Et maintenant faudrait défaire.

La mort des fermes du bocage,
La mort de chemins des oiseaux,
La mort des mares, la mort des vaches,
La mort du lait, la mort de l’eau.

On ne veut pas de tant de temps,
On ne veut pas de tant de fer,
Pour les avions il n'est plus temps,
On ne veut pas de votre enfer.

Notre Dame des fils de fer,
Notre Dame des routes et des ponts,
Notre dame des oiseaux de fer,
Notre dame des bêtes à béton.

L’autre jour en m’y promenant,
J’ai vu le vol d’une hirondelle,
J’ai vu qu’elle avait du tourment,
C’était le retour du printemps. »

Hamont-Martin Quintet

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Réalisation : Échelle inconnue

MAKHNOVTCHINA
MAKHNOVTCHINA
Makhnovtchina est un repérage actif des nouvelles mobilités urbaines et périurbaines à l'heure des grands projets de métropolisation. C'est un atelier itinérant de production participative d'images (fixes, vidéos, ou multimédia), de textes, de cartes, de journaux, « Work in progress ». Ce travail mené par des architecte, géographe, créateur informatique, sociologue et économiste vise à terme la proposition d'architecture ou d'équipements mobiles et légers. Ce travail vise, en outre, à explorer les futurs vides ou terrae incognitae que créent ou créeront les métropoles. Il propose une traversée du terrain d'accueil pour « gens du voyage » au marché forain en passant par les espaces des nouveaux nomadismes générés par la déstructuration des entreprises, notamment de réseau (EDF, GDF, France télécom...), ainsi que par les campings où, faute de moyens, on loge à l'année. Une traversée, pour entendre comment la ville du cadastre rejette, interdit, tolère, s'arrange, appelle ou fabrique la mobilité et le nomadisme. Ce projet de recherche et de création s'inscrit dans la continuité de certains travaux menés depuis 2001 : travail sur l'utopie avec des « gens du voyage » (2001-2003), participation à l'agora de l'habitat choisi (2009), réalisation d'installation vidéo avec les Rroms expulsés du bidonville de la Soie à Villeurbanne (2009) et encadrement du workshop européen « migrating art academy » avec des étudiants en art lituaniens, allemands et français (2010). Il tente d'explorer les notions de ville légère, mobile et non planifiée avec ceux et celles qui les vivent.