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LE CAVALIER ROUGE

Par Stany Cambot, lundi 23 juin 2014

Thème : Eastern

Même le jour a ici des tendances insomniaques. Il refuse de se coucher, les ongles accrochés aux acrotères ouest des immeubles. Complice de nuit blanche, il accompagne mes lectures tardives et prolonge inhumainement le chantier d'en face.
À sa lampe je dévore enfin la Cavalerie Rouge d'Isaac Babel; murmure les lignes qui retraversent l'Ukraine de la Guerre civile, celle de 1920 pas celle d'aujourd'hui...hein... J'y suis, mot à mot, les culottes rouges des cosaques à travers les ruines ; y épie les apparitions de Makhno et « sa clique » entre les pages. Je les pioche, les consigne, voilà.
« je couru alors vers la table où écrivait Sidorov, et feuilletais ses livres … Ma trouble ivresse tomba. Je me penchais sur la feuille écrite par un autre. Sidorov, tueur angoissé, réduisait en lambeaux la ouate rose de mon imagination et m'entraînait dans les couloirs de sa folie sensée. …
« j'ai fait cette campagne contre Makhno, une filouterie fatigante, rien de plus... Voline seul y est encore. Voline se pare de soutanes apostoliques et, abandonnant l'anarchie, grimpe en douceur vers Lénine. Effroyable ! Et le chef l'écoute, caressant le fil de fer poudreux de ses boucles et lâchant, à travers ses dents cariées, le long serpent de ses railleries de rustre. Et maintenant je me demande s'il n'y a pas dans tout cela une graine parasitaire d'anarchie et si nous saurons vous frotter suffisamment le nez, tchékistes maison sortis de l'atelier maison made in Kharkov, capitale de votre fabrication. Vos braves gaillards n'aiment plus à se souvenir des pêchés de leur jeunesse anarchiste et se moquent de nous, du haut de leur maturité politique ; le diable les emportent !... » »
« je dis adieu à Ghédali et me rendis à la gare. Là, dans le train de propagande de la 1re Armée de cavalerie, m'attendais des centaines de feux, les magiques fulguration de la radio, le roulement ent^té des linos et mon article inachevé pour le Cavalier rouge. »

Briska / бричка

« la banale briska des popes et des fonctionnaires est devenue, par le caprice de nos dissensions intérieures, l'instrument de circonstance, une arme dangereuse et mobile, qui a créé une stratégie nouvelle et une nouvelle tactique, déformé le visage habituel de la guerre ; et des héros sont nés, des génies de la briska. Tel ce Makhno qui a fait de la briska le support de sa mystérieuse et malicieuse stratégie, lui qui supprima l'infanterie, l'artillerie et même la cavalerie, masses peu maniables, leur substituant une armée de briskas qui promenaient, vissées à bord, quelque trois cents mitrailleuses. Tel Makhno, multiforme comme la nature. Des charrettes de foin, rangées en ordre de bataille, prennent des villes. Un cortège nuptial arrive au Comité Exécutif d'un canton, ouvre une fusillade nourrie, et un pope chétif, déployant sur sa tête le drapeau noir de l'anarchie, exige des autorités qu'elle livrent les bourgeois, les prolétaires, du vin et de la musique.
Une armée de briskas a des aptitudes inouïes pour la manœuvre.
Boudienny l'a montré aussi bien que makhno. Il est difficile de sabrer une armée ainsi faite et insensé de vouloir s'en emparer. La mitrailleuse enfouie sous une meule de foin, la briska rentrée sous le hangar d'un paysan, il n'y a plus de forces armées dans la place. Ces points ensevelis, que l'on soupçonne sans les deviner, froment, additionnés, le village ukrainien tel qu'on l'a vu naguère, farouche, séditieux et rapace. Une armée pareille, avec des munitions fourrées dans tous les coins, un Makhno peut la mettre en une heure sur le pied de guerre ; il lui faut encore moins de temps pour la déémobiliser. »
« la brigade s'allongeait, poussiéreuse et interminable, comme les convois de paysans qui se rendent à la foire. En queue, s'essoufflaient des musiques fatiguées. »

tag : forains guerre Makhno Moscou Ukraine ville mobile

Réalisation : Échelle inconnue

MAKHNOVTCHINA
MAKHNOVTCHINA
Makhnovtchina est un repérage actif des nouvelles mobilités urbaines et périurbaines à l'heure des grands projets de métropolisation. C'est un atelier itinérant de production participative d'images (fixes, vidéos, ou multimédia), de textes, de cartes, de journaux, « Work in progress ». Ce travail mené par des architecte, géographe, créateur informatique, sociologue et économiste vise à terme la proposition d'architecture ou d'équipements mobiles et légers. Ce travail vise, en outre, à explorer les futurs vides ou terrae incognitae que créent ou créeront les métropoles. Il propose une traversée du terrain d'accueil pour « gens du voyage » au marché forain en passant par les espaces des nouveaux nomadismes générés par la déstructuration des entreprises, notamment de réseau (EDF, GDF, France télécom...), ainsi que par les campings où, faute de moyens, on loge à l'année. Une traversée, pour entendre comment la ville du cadastre rejette, interdit, tolère, s'arrange, appelle ou fabrique la mobilité et le nomadisme. Ce projet de recherche et de création s'inscrit dans la continuité de certains travaux menés depuis 2001 : travail sur l'utopie avec des « gens du voyage » (2001-2003), participation à l'agora de l'habitat choisi (2009), réalisation d'installation vidéo avec les Rroms expulsés du bidonville de la Soie à Villeurbanne (2009) et encadrement du workshop européen « migrating art academy » avec des étudiants en art lituaniens, allemands et français (2010). Il tente d'explorer les notions de ville légère, mobile et non planifiée avec ceux et celles qui les vivent.