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BLOUMA

Numéro 8


Documentaire marché en trois langues inconnues
Un film de Stany Cambot
Documentaire de création
2019 - France
HDCAM 16/9 - Couleur - Stéréo 52 min
Production échelle Inconnue - 2019

Synopsis

Depuis 30 ans, un bouquet de roses dans les bras, Cacahuète sillonne les nuits de Rouen. Ce soir, une raison supplémentaire le pousse à traverser la ville: la recherche de « Mémoires », un cahier de souvenirs écrit par son ami décédé.Il est né dans une ville disparue, Rouen, celle du quartier Martainville, de la pauvreté, des bagarres au couteau. À l'âge de huit ans, son père lui pose un perroquet sur l'épaule et l'envoie sillonner bars et rues, de nuit, pour vendre des fruits secs. Pour fuir, il a pris un drôle d'ascenseur social qui l'a emmené à l'étal des marchés avec les manouches. Aujourd'hui il vend des roses.Il est de ces polyglottes non reconnus par l'académie, de ces guides non reconnus par les boutiquiers de l'Office du tourisme, mais connaît la face obscure des nuits de province et parle quatre langues, au moins, le français, le manouche, l'argot, le verlan, et a des notions de louchébem. Le pif dans des roses qui n'ont jamais eu d'odeur, nous le suivons dans la quête d'un manuscrit, des « Mémoires ». À mesure, par sa voix, par les extraits du manuscrit perdu, se raconte la ville disparue ou plutôt sa continuité dans la nuit, de l'éclat des spots des boîtes de nuit aux restos de riches en passant par les «bars à bouchon». Il connaît tout le monde par son prénom: des « tauliers » aux videurs. Marchant, il nous conte deux grandes inconnues: la nuit (dans son ensemble puisque la ville se découpe en secteurs occupés par des tribus qui s'ignorent) et Rouen, celle où prolos et mauvais garçons se partagent le pavé depuis 1848 au moins, celle où la nuit abrite les alliances impensables dans le jour des bureaux entre manouches, arabes, gadjé...

Tournée avec un matériel léger, une série de plans séquences fluides mais conservant la qualité de la marche nous amène de tableau en tableau.La plastique de ces tableaux s'inspire de l'esthétique foraine et laisse par moments place à des compositions plus ou moins abstraites. C'est une plongée: des restaurants mainstream aux bars, boîtes de nuit et bars à hôtesses, la voix de l'homme aux roses nous accompagne, nous donne le mode d'emploi de la ville, raconte ce qui était, fait le lien. Le film se déroule sur une nuit, l'espace-temps du film noir avec lequel ce documentaire dialogue, en particulier quand sont évoqués les « affaires » ou faits divers. Ici,la nuit est moins le lieu de la pègre qu'un espace diffus où les choses et comportements glissent de la norme vers sa périphérie. Une sorte de normalité dans laquelle les personnages jouent les affranchis parfois plus qu'ils ne le sont. C'est un espace de travail (tristement normal) dans lequel la violence a parfois sa place.

Les personnages
La psychologie ronge nos modes de représentation et fait écran au réel. Le portrait est devenu l'évidence de la personnalité. Ainsi l'individu prédomine sur le personnage historique. Le traitement psychologique confisque l'histoire et nos possibilités de nous en saisir. C'est pourquoi, désirant nous inscrire dans une réflexion sur le réalisme (de Courbet à García Marquez), nous désirons tant que possible évacuer la question et l'approche psychologique.

L'homme aux roses
Cacahuète. Il porte un drôle de surnom depuis que son beau-père l'a obligé, à l'âge de huit ans, à vendre ces fruits secs toutes les nuits dans les bars de Rouen. Personnage central, il est avec ses roses, le sésame ouvrant les portes des lieux nocturnes. Nous le suivons.

Nono
Nono est là, en fauteuil roulant. Il navigue aisément du français soutenu à l'argot. Il raconte ses liens avec les Voyageurs, son inscription comme patron de différents établissements dans la nuit rouennaise... Il nous confie qu'il écrit un livre. Parle de ses inspirations : Simonin, Lebreton pour la langue. Un livre : Mes conneries de souvenirs du Voyage quoi. Moins d'un mois plus tard, il décède. Le cahier sur lequel il écrivait n'a toujours pas été retrouvé. Peut-être dans la chambre d'hôtel où il vivait... Ce sont ces extraits qui seront lus. Et la recherche du cahier enrichira le parcours de l'homme aux roses.

Un DJ
Il s'appelle Teddy et mixe au Nash. Voyageur, il vit aujourd'hui en maison et ne veut plus entendre parler du Voyage. Il personnifie l'actualité de la porosité entre le monde des Voyageurs et celui de la ville sédentaire.

Le patron de l'Ours noir
Il est la personnification du lien historique que la ville entretient avec le monde du Voyage dans son acception foraine.

La ville
Elle est la somme d'une multitude de représentations individuelles ou collectives. Ces représentations, ou ces villes multiples, peuvent cohabiter ou au contraire s'affronter quand les couches de ce mille-feuille se touchent, se frottent. On peut parfois en faire des coupes. Ou croiser un personnage qui, par sa pratique, dans la clandestinité du quotidien, traverse et navigue entre ces différents calques superposés. Ainsi en est-il du personnage principal qui est, par là, porteur et auteur d'une ville comme point de connexion entre des groupes et des villes réputées distinctes ou opposées : la ville sédentaire et celle du manouche, la ville normée et celle de la licence, la ville du riche et celle du pauvre... Le film commence à la périphérie de la ville, part à sa rencontre, y entre (elle est alors traitée comme un immense intérieur nuit), s'y perd tout en en faisant émerger des possibilités, pour enfin repartir à sa marge, seul endroit d'où l'on peut l'entrevoir comme un ensemble.

UN FILM SOUS-TITRE, UN FILM OBJET
Le langage est un élément central du film. La ville se raconte ici en plusieurs langues, ce qui implique un sous-titre._Plutôt que de le reléguer à la périphérie de l'image, nous en faisons une des matières filmiques voire picturales qui vient à mesure accompagner la plongée dans la nuit. C'est une plongée en spirale comme l'eau qui tourne au fond du lavabo que l'homme aux roses remplit pour y faire boire ses fleurs.

UN FILM AFFICHE, UN FILM CARTE
Alors que le film s'ouvre comme une fiction, il se libère de l'écriture cinématographique traditionnelle pour regagner les prémices du cinéma forain et des trucages visibles de Méliès. À mesure, le hors-champ ou l'immontrable du récit apparaît comme dans une nuit de beuverie sous forme de surimpression d'images en mouvement comme sérigraphiées à l'écran (à la manière des sous- titres). Ces images constituent le moyen principal d'expression de la mémoire.

Sommaire du numéro 8
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EDITO / JOURNAL À TITRE PROVISOIRE N°8 : CINÉMA MOBILE D'INTERVENTION
DOSSIER MAKHNO-VAN
POUR ECHELLE INCONNUE LE FILM EN QUESTION
MAKHNO-VAN
LE CINÉMA SUR ROUE D'UN PEUPLE SUR ROUE

MAKHNO-VAN L'ODYSSÉE MÉCANIQUE
LE PROJET DE RODTCHENKO
SUR LA ROUTE DU CARNIVAL
NOIRE LA RUBRIQUE
CINÉMA VOYAGEUR
LE RÉAPPRENTISSAGE DU CINÉMA-FORAIN

PEERTUBE
ÉCRAN VOYAGEUR
LA JAVA DE L'INFRASTRUCTURE
BLOUMA

Réalisation : Échelle inconnue

MAKHNOVTCHINA
MAKHNOVTCHINA
Makhnovtchina est un repérage actif des nouvelles mobilités urbaines et périurbaines à l'heure des grands projets de métropolisation. C'est un atelier itinérant de production participative d'images (fixes, vidéos, ou multimédia), de textes, de cartes, de journaux, « Work in progress ». Ce travail mené par des architecte, géographe, créateur informatique, sociologue et économiste vise à terme la proposition d'architecture ou d'équipements mobiles et légers. Ce travail vise, en outre, à explorer les futurs vides ou terrae incognitae que créent ou créeront les métropoles. Il propose une traversée du terrain d'accueil pour « gens du voyage » au marché forain en passant par les espaces des nouveaux nomadismes générés par la déstructuration des entreprises, notamment de réseau (EDF, GDF, France télécom...), ainsi que par les campings où, faute de moyens, on loge à l'année. Une traversée, pour entendre comment la ville du cadastre rejette, interdit, tolère, s'arrange, appelle ou fabrique la mobilité et le nomadisme. Ce projet de recherche et de création s'inscrit dans la continuité de certains travaux menés depuis 2001 : travail sur l'utopie avec des « gens du voyage » (2001-2003), participation à l'agora de l'habitat choisi (2009), réalisation d'installation vidéo avec les Rroms expulsés du bidonville de la Soie à Villeurbanne (2009) et encadrement du workshop européen « migrating art academy » avec des étudiants en art lituaniens, allemands et français (2010). Il tente d'explorer les notions de ville légère, mobile et non planifiée avec ceux et celles qui les vivent.