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RECOURS AMIABLE AUPRÈS D'UN CENTRE DE CONTRÔLE TECHNIQUE

Par Misia Forlen, Brichka

PASSAGE AU CONTRÔLE TECHNIQUE DU FOURGON AMÉNAGÉ DE JEAN-CHARLES, Rouen | 4 avril 2019

PREMIÈRE VISITE

Jean-Charles a fait le choix de vivre dans un camion aménagé pour éviter de se retrouver en situation de surendettement, il y a environ 8 ans, lorsqu'il a perdu son emploi. C'est lui qui nous alerte en février 2018 sur la modification de la loi du contrôle technique concernant les véhicules de moins de 3,5T. À l'issue des Rencontre Nationales de l'Habitat Mobile à Rouen, Jean-Charles a emmené son camion au contrôle technique accompagné de Clément David de l'association HALEM pour pouvoir l'aider à se défendre. En effet, la plupart des points de contrôle du nouveau contrôle technique ne sont pas toujours bien précisés, ce qui laisse souvent penser (à tort !) que ces points sont soumis à la subjectivité du contrôleur. Avec une bonne connaissance de l'arrêté, il est néanmoins possible de les discuter.

Par précaution, Jean-Charles avait au préalable démonté de son fourgon son installation gaz, son frigidaire et son évier. Escorté par Clément David d'une part et par l'annexe II du point 5.1 de la directive européenne 2007/46/CE définissant le « motor-home » d'autre part, Jean-Charles se sentait prêt à parer les arguments éventuels lui refusant le contrôle technique au prétexte de l'aménagement de son camion. À sa (/notre !) grande surprise, à aucun moment le contrôleur technique n'a vérifié l'intérieur du camion et n'a donc pas pu constater qu'il était aménagé.

En revanche, le contrôleur technique a relevé une série de défaillances qu'il considérait comme « majeures ». Parmi elles, le point « 6.2.4.a.2. : PLANCHER : Plancher mal fixé ou gravement détérioré : ARG » est à remettre en cause. D'une part, la partie du véhicule pointée par le contrôleur technique ne constitue pas un élément de plancher mais concerne la tôle d'habillage de celui-ci, comme en témoignent les photos. D'autre part, on voit bien sur ces photos que cette perforation ne présente pas « un risque susceptible de provoquer des blessures, de laisser passer une partie de chargement ou pouvant provoquer la perte d'un élément », comme mentionné dans les précisions complémentaires contenues dans « les instructions techniques _ n°6-châssis et accessoires du châssis » fournies par l'Utac, l'Organisme Technique Central du contrôle technique des véhicules1.



Le contrôleur technique avait admis lui-même ces éléments et considère bien que la déchirure en question ne cause pas de risque susceptible de provoquer des blessures, de laisser passer une partie du chargement ou pouvant provoquer la perte d'un élément. Pourtant, il estime que cette corrosion doit toutefois être considérée comme une défaillance majeure puisque le terme de « déchirure » est mentionné dans les précisions complémentaires citées plus haut. Or dans le cas du camion de Jean-Charles, la perforation ne présente pas un risque de sécurité et c'est pourquoi on peut considérer la décision du contrôleur technique comme abusive sur ce point.




PROCÉDURE DE RECOURS AMIABLE

Nous avons donc entamé une procédure de recours à l'amiable avec le réseau DEKRA auquel appartient le centre de contrôle technique où s'est rendu Jean-Charles. Nous avons tout d'abord contacté le service téléphonique des réclamations de DEKRA et expliqué que, sur le plancher du camion, il n'y a ni risque de blessures, ni risque pour l'environnement concernant le chargement. La déchirure n'est pas concernée par les risques de blessures puisqu'il s'agit du bas de caisse, sous le plancher et non du plancher. Il y a donc aucun risque de provoquer des blessures et c'est pour cela que nous considérons cette interprétation comme abusive.

En effet, la DREAL ne considère pas comme défaillance majeure le fait d'avoir des trous dans la carrosserie, si ceux-ci ne sont pas situés sur les longerons ou les traverses du châssis du véhicule. La fixation d'un aménagement sur les longerons du châssis n'est en revanche pas possible, sauf autorisation du constructeur du véhicule.

La réponse qui nous a été apportée par téléphone par le centre technique DEKRA traduit bien cette impression que les contrôleurs appliquent les règles selon leur propre interprétation. En effet, le responsable du service des réclamations précise que les centres de contrôle peuvent choisir de rajouter des défauts ou d'en enlever. Il faut se référer à la liste des points prescrite par l'UTAC, dans lesquels il y a le « constat » et les « précisions complémentaires ». Ces dernières font partie d'une liste non-exhaustive et elles sont faites, pour « aiguiller le contrôleur et donner des exemples pour déterminer la valeur de la défaillance ». Cependant, c'est bien au constat qu'il faut se référer.

Concernant le point de rouille relevé comme défaillance majeure, « au niveau réglementaire, aujourd'hui, le retour qu'on a du ministère et ce qu'on diffuse est simple : si aujourd'hui on est sur une corrosion de surface et qu'il n'y a rien de dangereux et qu'on est pas sur quelque chose de perforé ou de risque susceptible de provoquer des blessures à cause de parties saillantes, effectivement on va avoir tendance à dire que c'est un défaut mineur. [...] On va donc contacter le centre après l'analyse de votre dossier et regarder ce qu'il s'est passé avec le contrôleur technique, avoir son ressenti et voir si le défaut qu'il a constaté est approprié ou pas. La consigne est simple : si on est sur de la corrosion perforante, c'est majeur. Si on est sur de la corrosion de surface, sans risque pour la sécurité, c'est mineur. »

Suite à cet échange avec le service de réclamation DEKRA ⏯, nous avons envoyé une lettre en recommandé avec accusé de réception au service de réclamation DEKRA afin de fournir des preuves avec les photos. Cette lettre a été envoyé début avril 2019 et Jean-Charles n'a toujours pas reçu de réponse. Cette réponse est néanmoins essentielle : dans le cas d'une réponse positive, cela permettrait à Jean-Charles de recevoir un geste commercial ou le remboursement de son contrôle technique ; dans le cas d'une réponse négative où il ne tomberait pas d'accord avec la décision de Dekra, il faudrait alors entamer une procédure contentieuse. La question reste de savoir si la procédure se déroulerait devant un tribunal administratif ou civil. L'objectif étant de faire jurisprudence pour créer un outils juridique qui pourrait être utilisé par la suite dans des cas similaires.


LA CONTRE-VISITE

Jean-Charles n'a bien-entendu pas attendu la décision de cette procédure pour effectuer les réparations nécessaires sur le camion. Comme le rappelait le responsable du service des réclamations, « Il ne faut pas que vous soyez en infraction !Légalement, vous devez avoir un contrôle technique valable ! Ça, c'est la loi française ! Peu importe le motif, il ne faut surtout pas dépasser. » Cela implique de devoir avancer le coût des réparations coûte que coûte. Jean-Charles a donc pris rendez-vous avec un carrossier pour effectuer les réparations avant d'aller passer sa contre-visite. Devant le camion de Jean-Charles, le carrossier lui-même se sentait complètement démuni. « Vous êtes sûr que c'est de cette partie dont il parle ? Mais ça n'est pas le châssis ça ! C'est la tôle d'habillage ! »

Aucune réparation n'a donc été réalisée et Jean-Charles a alors décidé de passer sa contre-visite dans un autre centre de contrôle. Lors du contrôle, d'autres défaillances ont été relevées comme majeures. En revanche, pour la seconde fois, l'intérieur du camion n'a pas été vérifié par le contrôleur. D'autre part, la rouille située sur la tôle d'habillage n'a pas du tout été relevée par ce contrôleur. Cette expérience confirme le pouvoir conféré aux contrôleurs, pouvoir mal maîtrisé et de plus complètement injustifié.



LE CONTRÔLE ANTI-POLLUTION

Après l'importante réforme effectuée au mois de mai 2018, le gouvernement a poursuivi son durcissement du contrôle technique par le biais du contrôle anti-pollution2,3, notamment pour les véhicules diesel. Un nouveau contrôle technique devait s'appliquer au 1er janvier 2019, mais suite aux manifestations des gilets jaunes, le gouvernement l'a repoussé au 1er juillet.4 Dès lors, les conditions de passage au contrôle technique sont plus difficiles et celui-ci s'attarde davantage sur l'opacité des fumées émises par les véhicules, les particules émises également, ainsi que le seuil d'émissions.

Aujourd'hui, l'opacité excessive des fumées ne représente que moins de 1 % des contre-visites. Avec la nouvelle norme, l'UTAC estime que ce chiffre pourrait augmenter de 10 à 15 % selon les résultats de l'expérimentation. « Ce qui va emmener une majorité de véhicules aménagés à la casse, c'est le contrôle anti-pollution ! » Bien faire chauffer son diesel avant l'examen du contrôle technique ne suffira plus. Parmi les victimes, non seulement les vieux diesels mais aussi les modèles plus récents qui ne font que des petits parcours. En cause, l'encrassement de leurs systèmes de dépollution (vanne EGR, FAP…). Plus globalement, c'est la bonne santé du moteur diesel qui permettra, ou pas, d'éviter que le véhicule se fasse recaler au contrôle.

Avec ce nouvel outils de chasse aux vieux fourgons mis en place, Jean-Charles sait qu'il aura peu de chance dans les années à venir de passer favorablement le contrôle anti-pollution. L'une des solution qu'il envisage pour conserver son J9 serait de le faire passer en « véhicule de collection ». Dans deux ans, le camion de Jean-Charles aura 30 ans d'ancienneté après sa première mise en circulation, ce qui constitue la condition principale pour demander une carte grise « véhicule de collection ». Les avantages d'une carte grise de collection sont multiples. Tout d'abord, le contrôle technique est beaucoup moins sévère pour les véhicules de collection et reste valable cinq ans au lieu de deux ans. De plus, concernant la pollution, les véhicules concernés bénéficient d'une dérogation en ce qui concerne les restrictions de circulation appliquées aux véhicules polluants dans certaines villes. Enfin, toutes les obligations d'homologation sont levées : la RTI (réception à titre isolé) de la DREAL est remplacée par l'attestation de la Fédération française des véhicules d'époque.


ANNEXES :

1 - Les réseaux de contrôle de l'UTAC-OTC pour véhicules légers

2 - Décret n°2016-812 du 17 juin 2016 portant application de l'article 65 de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

3 - Arrêté du 22 juin 2016 relatif aux modalités des mesures réalisées en application du décret n°2016-812 du 17 juin 2016 portant application de l'article 65 de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

4 - Arrêté du 20 décembre 2018 relatif au report, pour une durée de six mois, du renforcement du contrôle technique des véhicules diesel légers

tag : Brichka Controle technique Cas pratique Rouille Carrosserie Recours Aikido

Réalisation : Échelle inconnue

MAKHNOVTCHINA
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Makhnovtchina est un repérage actif des nouvelles mobilités urbaines et périurbaines à l'heure des grands projets de métropolisation. C'est un atelier itinérant de production participative d'images (fixes, vidéos, ou multimédia), de textes, de cartes, de journaux, « Work in progress ». Ce travail mené par des architecte, géographe, créateur informatique, sociologue et économiste vise à terme la proposition d'architecture ou d'équipements mobiles et légers. Ce travail vise, en outre, à explorer les futurs vides ou terrae incognitae que créent ou créeront les métropoles. Il propose une traversée du terrain d'accueil pour « gens du voyage » au marché forain en passant par les espaces des nouveaux nomadismes générés par la déstructuration des entreprises, notamment de réseau (EDF, GDF, France télécom...), ainsi que par les campings où, faute de moyens, on loge à l'année. Une traversée, pour entendre comment la ville du cadastre rejette, interdit, tolère, s'arrange, appelle ou fabrique la mobilité et le nomadisme. Ce projet de recherche et de création s'inscrit dans la continuité de certains travaux menés depuis 2001 : travail sur l'utopie avec des « gens du voyage » (2001-2003), participation à l'agora de l'habitat choisi (2009), réalisation d'installation vidéo avec les Rroms expulsés du bidonville de la Soie à Villeurbanne (2009) et encadrement du workshop européen « migrating art academy » avec des étudiants en art lituaniens, allemands et français (2010). Il tente d'explorer les notions de ville légère, mobile et non planifiée avec ceux et celles qui les vivent.